Difference between revisions of "La Voie de l'ange"

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====Vendredi 11 août 1944====
 
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Voilà maintenant une semaine que nous attendons maman et papa. Margot pleure tous les soirs dans son lit. Nos hôtes semblent incommodés par notre présence. Nous avons appris que les allemands font de plus en plus d'exécutions sommaires de civils pour contrer la rébellion. Bien que nous ayons encore assez d'argent dans nos ourlets, il nous est impossible d'échanger nos billets de cent dollars car c'est une somme beaucoup trop importante. Papa a gardé avec lui je pense les plus petites coupures ne prévoyant pas que nous soyons séparés. Je pense à eux tous le temps. Je prie pour qu'ils cognent à la porte cette nuit.
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Voilà maintenant une semaine que nous attendons maman et papa. Margot pleure tous les soirs dans son lit. Aurions-nous du demeurer dans le confort de l'Annexe, notre nid. Je rêve que tous ça ne soit qu'un cauchemar et que je ré-ouvrirai les yeux pour me trouver blottie contre Peter. Que je redescendrai dans ma chambre, sous le regard réprobateur de Madame Van Daan, réveillant Dussel en faisant craquer le plancher.
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Nos hôtes semblent incommodés par notre présence. Nous avons appris que les allemands pratiquent des exécutions sommaires de civils pour contrer la rébellion. Bien que nous ayons encore assez d'argent dans nos ourlets, il nous est impossible d'échanger nos billets de cent dollars car c'est à chaque fois une somme beaucoup trop importante. Papa a gardé avec lui je pense les plus petites coupures ne prévoyant pas que nous soyons séparés. Je pense à eux tous le temps. Je prie pour qu'ils cognent à la porte cette nuit.
  
 
Anne
 
Anne

Revision as of 15:11, 14 June 2011

Le journal d'Anne Frank se termine abruptement le 1er août 1944, soit quelques jours avant sa déportation. Dans un univers parallèle/divergeant, ces écritures se seraient poursuivies.

Mercredi 2 août 1944

Chère Kitty,

Aujourd'hui nous avons eu vent d'une inquiétante nouvelle. La Sicherheitsdienst serait sur le point de faire une raffle dans notre quartier et papa a peur que nous soyons visés. Depuis ce matin c'est la panique et ces messieurs discutent en comité. Fidèle à son habitude, Madame Van Daan est hystérique et ne tient pas compte du moral des autres en exhalant ses lamentations.

Pour ma part, je me prépare au pire. Serait-ce notre dernière nuit à l'Annexe? Si nous sommes arrêtés, notre famille sera-t-elle séparée. Au dîner, l’ambiance était lourde. Peter n'a cessé de me fixer d'un air fataliste.

Anne

Jeudi 3 août 1944

Chère Kitty,

Je ne peux te garantir que ce ne soit pas la dernière fois que je t'écris car la décision a été prise. Nous partons cette nuit. Je ne peux t'en dire plus. Papa nous a réuni Margot, maman et moi pour nous consulter en famille. Les Van Daan et Dussel, eux, resteront mais nous avons décidé d'appuyer papa dans son choix. Pour des raisons de sécurité et pour protéger les autres si nous sommes arrêtés pendant notre fuite, papa m'a demandé de ne pas emporter mes écrits. Je pense te confier à Miep qui j'en suis sûre te gardera précieusement.

Bien à toi et je l'espère à très bientôt,

Anne M. Frank

Dimanche 6 août 1944

Chère Kitty,

Nous avons quitté comme prévu l'Annexe à l'aube jeudi matin. Maman nous avait cousu à chacune des billets de cent dollars dans l'ourlet de nos jupes. Nous avons marché environs une heure jusqu'à Rembrandpark où Papa avait organisé un rendez-vous avec un contact de Kluger. Ce fut la plus longue heure de ma vie. Cette fois-ci, nous ne portions plus notre étoile jaune car plus aucun juif n'était autorisé à demeurer au Pays Bas. Mon coeur courait si vite à l'idée de croiser une patrouille de police ou même de se faire interpeller par un hollandais suspicieux, que je n'entendais aucun autre bruit que ses battements. Lorsque nous sommes finalement arrivés à l'orée du parc, personne ne nous y attendait et je voyais que papa était aussi nerveux que moi, mais il ne laissait pas transparaître son anxiété.

Finalement, un homme sortit du parc nonchalamment mais il était clair qu'à cette heure, ce se devait d'être le contact de Kluger. Après nous avoir dépassé en nous observant du coin de l'oeil, il revint sur ses pas et appela papa. L'homme montra deux bicyclettes posées à proximité puis papa nous demanda à Margot et moi de s'approcher. Nous compriment que nous allions devoir nous séparer pour moins éveiller les soupçons. Deux jeunes filles seules à vélo, ce serait moins suspect qu'une famille entière.

Nous attendons l'arrivée de papa et maman depuis deux jours. Je souhaite de tous mon coeur que rien ne leur soit arrivé. Je m'en voudrais de n'avoir pas plus ouvertement partager mon amour pour eux ces dernières années. Nous nous sommes quittés si précipitamment sous la pression de n'être remarqués, que nous nous sommes à peine embrassés.

Anne

Vendredi 11 août 1944

Voilà maintenant une semaine que nous attendons maman et papa. Margot pleure tous les soirs dans son lit. Aurions-nous du demeurer dans le confort de l'Annexe, notre nid. Je rêve que tous ça ne soit qu'un cauchemar et que je ré-ouvrirai les yeux pour me trouver blottie contre Peter. Que je redescendrai dans ma chambre, sous le regard réprobateur de Madame Van Daan, réveillant Dussel en faisant craquer le plancher.

Nos hôtes semblent incommodés par notre présence. Nous avons appris que les allemands pratiquent des exécutions sommaires de civils pour contrer la rébellion. Bien que nous ayons encore assez d'argent dans nos ourlets, il nous est impossible d'échanger nos billets de cent dollars car c'est à chaque fois une somme beaucoup trop importante. Papa a gardé avec lui je pense les plus petites coupures ne prévoyant pas que nous soyons séparés. Je pense à eux tous le temps. Je prie pour qu'ils cognent à la porte cette nuit.

Anne

Samedi 2 septembre 1944

L'Engelandvaarder devraient arriver ce matin. Je t'écris ces lignes ne sachant pas si elles et moi survivront à la traversée. Je m'en veux de n'avoir pas appris à nager. Les Alliés ont reprit Paris. Pourquoi pas Amsterdam. Pourquoi pas nous. Margot et moi prions tous les soirs pour Papa et maman. Où qu'ils soient, je suis sur qu'ils s'inquiètent tout autant et prient tout autant.

Anne

Vendredi 9 septembre 1944

Hier, à notre arrivé à Londres, nous avons été accueillies par des fusées allemande. Nous avions entendu parler des bombes incendiaires livrées par la Luftwaffe mais je ne croyais pas que le son des bombes était aussi terrifiant.

Notre traversée a duré trois jours. Nous avons longé la côte néerlandaise de nuit et nous nous sommes même presque rendus jusqu'en Belgique. XXX voulait se rendre jusqu'à l'estuaire de l'Escaut mais la présence de la marine allemande à l'horizon lui a fait prendre la décision de prendre le large pour l'Angleterre. La traversée a été relativement calme malgré que mon coeur se nouait à chaque vagues. Avant même d'arriver à Southend-on-Sea, nous avons été interpellés par les gardes côtes de la marine britannique, fusils pointés en notre direction. Pour la première fois de ma vie, je levait les mains, mais non en ayant un sentiment de terreur mais en suivant plutôt un élan providentiel et libérateur. Comme pour crier victoire. XXX me regardait d'un air inquiet que mon ardeur ne confondent nos hôtes anglais qui pointait toujours leurs cannons sur nous et qui ne parvenaient pas à entendre nos plaidoyers.

Arrivé à terre, nous avons été gardés deux jours en attendant qu'un agent hollandais attaché au services de renseignements britanniques ne parvienne jusqu'à nous pour vérifier notre identité et nos dires. Je pense que les anglais s’inquiétaient plus de XXX que de Margot et moi. Nous avons tous été libérés en même temps et Margot et moi avons pu prendre le train pour Londres, d'où je n'ai eu d'autre choix que de mettre à l'épreuve mon anglais qui semble étonner les locaux. En quittant XXX, Margot et moi lui avons donner deux cent dollars pour avoir accepté de nous prendre avec lui.

Demain, YYY, le contact de Papa chez qui nous logeons, nous conduira dans une pension en périphérie de la ville en attendant l'arrivée de papa et maman.

Bien à toi,

Anne


Mercredi 21 mars 1945

Chère Kitty,

Bien des choses se sont passées depuis que nous avons quitté Amsterdam. J'espère que Miep prend bien soins de tes pages précédentes. J'espère aussi qu'elle, Jan et tous les autres sont sains et saufs. Selon Radio Orange, que nous écoutons maintenant depuis sont point d'émission, la famine de cet hiver aurait causé des milliers de morts à Amsterdam et dans le reste des Pays Bas.

Nous sommes heureux de célébrer l'arrivée du printemps bien qu'ici le beau temps tarde à se montrer. Margot et moi sommes hébergées chez un contact de mon oncle qui tente de nous faire émigrer aux États-Unis. Nous attendons les visas de transit de l'Ambassade cubaine à Londres que papa avait déjà réservé avant notre départ pour l'Annexe. Je me demande comment sera la vie aux en Amérique. J'aurais souhaité aller à New York mais mon oncle et sa famille vivent près de Boston.

Au moins, là bas, je pourrai oublier cette guerre qui n'en fini plus de finir.

...


Mardi 1er mai 1945

Le capitaine du Galicia à annoncer ce soir la mort de Hitler. Bien que la majorité des passagers aient applaudit cette grande nouvelle, Margot et moi sommes restée silencieuses. Je pense à papa qui est resté derrière pour nous permettre de voir une nouvelle terre. Je pense à maman que j'aurai tant voulu serrer dans mes bras.

Samedi 4 mai 1945

Nous sommes arrivées à La Havane hier soir sous une chaleur torride. Le concierge de la pension ou nous sommes logées rigole bien de moi en me disant que juillet et août seront beaucoup plus chauds. La ville est belle avec sa promenade le long de la mer que les cubains nomment le Malecon. Margot est de plus en plus silencieuse alors que je sens l'air humide et le son de la musique cubaine retentissant de chaque coins de rue, m’enivrer et me redonner la joie de vivre.

Samedi 15 mai 1948

Chère Kitty

Aujourd'hui j'ai entendu à la radio que David Ben-Gurion avait déclaré la fondation de l'État d'Israël. C'est aujourd'hui que les Anglais terminent leur mandat en Palestine et tous le monde ici est inquiet du sort que les pays arabes réservent à la Terre promise finalement embrassée.

La semaine dernière, j'ai reçu une lettre de Margot qui s'est mariée au fils d'un ami de mon oncle à Boston. Elle a enjoint une photo de la cérémonie et bien que son mari, Michael, ne soit pas très beau, je suis sûre que ma soeur a su choisir un homme au caractère qui lui convient. Je pense que dès sa prochaine lettre, elle m'annoncera la venue de ma première nièce ou de mon premier neveu.

Mon espagnol s'améliore de jour en jour. J'ai finalement terminé la lecture de L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche et je m'apprête à lire le livre d'un collaborateur de la revue littéraire à laquelle j'ai commencé un stage comme traductrice.

Bien à toi,

Anne M. Frank

Lundi 2 août 1948

Voilà maintenant quatre ans que nous avons quitté l'Annexe. Je pense tous les jours aux autres...

J'ai terminé le stage à la revue vendredi et j'ai commencé aujourd'hui un travail pour le moins singulier. Je fais la lecture à une homme presque aveugle. Il est écrivain je penses qu'il avait bien apprécié les compliments que j'avais fait de sa dernière nouvelle. Je ne comprends pas que sont choix se soit arrêté sur moi quand il existe sûrement des dizaines de lectrices plus qualifiées que moi en espagnol. Aujourd'hui par contre il m'a demandé de lui faire la lecture du New York Times en plus des journaux Argentins....

Vendredi 6 août 1948

Chère Kitty,

Moi qui pensait reprendre un rythme plus régulier maintenant que le stage à la revue littéraire était terminé, voilà que tout mon temps est accaparé par mon emploi au service de Monsieur. Outre la lecture, qui consiste à éplucher les journaux anglais, américains et argentins; la transcription de ses pensées embrouillées; je dois aussi préparer le maté de Monsieur. Sans rien y voir, bien que je crois qu'il triche car le l'ai vu me reluquer ce matin, il m'instruit l'art de la préparation du maté qui n'est en quelque sorte qu'une herbe cultivée par les indiens d'Argentine et que ces messieurs ingurgitent à longueur de journée. Pour ma part, je trouve cette infusion imbuvable et j'y vois peut-être la source de la déroute des argentins.

Ce weekend, je serais libre, car Monsieur reste chez lui ou j'ai appris que sa maman s'en occupait. J'imagine que tant que je ne préparerai pas le maté comme maman, je n'aurai pas l'estime de Monsieur. XXXX, une amie que je me suis fait à la revue m'a invité à voir un film italien demain. J'ai toujours aimé le son de cette langue, que je sens beaucoup plus près de mon âme que le hollandais, l'allemand, le yiddish ou même l'hébreu. Une chose est sûre, c'est que ça me distraira de l'esprit torturé de Monsieur.

Anne M. Frank

Samedi 7 août 1948

Roma, città aperta. C'est le titre du film que nous avons vu ce soir. Je ne parviens pas à fermer les yeux tant les images de cette guerre me hantent. De la fenêtre de l'Annexe, au son des tirs et de Radio Orange, la guerre était pour nous une expérience claustrophobe et introspective. Dans ce film, j'avais l'impression de vivre le désarroi d'un peuples occupé. Comme si j'avais été dans la rue, avec eux. L'image de la femme qui court au milieu de la foule immobile ne me quitte pas.

J'ai toujours refusé de voir les images filmées dans les camps à l'arrivée des Russes et des Alliées, comme si je ne voulais pas que la mémoire de ces victimes soit imprégnée dans mon esprit dans ce théâtre absurde, fruit d'un laps d'humanité engendré chez des millions de participants par je ne sais quelle fureur.

Comme si je ne voulais pas vivre la mort. Comme si je voulais fermer les yeux et vivre ailleurs.

Anne

Vendredi 13 août 1948

Chère Kitty,

Voilà ma deuxième semaine complétée. Je suis maintenant passée maître dans l'art de la préparation du maté. Je me sens comme ces femmes japonaises qui à petits pas, les yeux rivés vers le sol, vêtues de leur somptueuses robes de soie, obéissent à un rituel ancestral de servitude envers leurs maîtres. Seulement je ne suis pas japonaises, ni argentine, ni esclave, et Monsieur n'est pas mon maître. Je suis Anne, l'insolente, l’espiègle, l'effrontée.

Je crois d'ailleurs que c'est ce qui plaît et déplaît en même temps à Monsieur. Bien que les femmes argentines soient exubérantes, j'ai sûrement été retenue pour mon attitude, à prime abord, retenue. Monsieur devait apprécier la froideur germanique en opposition à la fouge hispanique. Mais voilà que l'autre Anne, celle qui a tenu tête à Dussel, riposté à Madame Van Daan, désobéit à sa mère, resurgit dans le noir de Monsieur, entre deux journaux, entre deux articles, entre deux mots. Et c'est durant ces silences, quand rien ne bouge, quand seule la perception de l'imperceptible habite la pièce, que je le sent intrigué par cette Anne qu'il n'a jamais vu.

Bien à toi,

Anne M. Frank

Mardi 24 août 1948

Chère Kitty,

C'est aujourd'hui l'anniversaire de Monsieur et j'ai été libérée plus tôt.

Samedi 11 juin 1949

Chère Kitty,

Demain je vais avoir vingt ans et je suis toujours vierge. Ma gêne avec les garçons augmente d'année en année. Vais-je resté vieille fille. Suis-je si insupportable que même les argentins me fuient. Les filles d'ici semblent s'en tirer malgré leur extravagance...