La Voie de l'ange

From Episodia
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Le Journal d'Anne Frank se termine abruptement le 1er août 1944, quelques jours avant sa déportation. Dans un univers parallèle/divergeant, ces écritures se seraient poursuivies.

Mercredi 2 août 1944

Chère Kitty,

Aujourd'hui nous avons eu vent d'une inquiétante nouvelle. La Sicherheitsdienst serait sur le point de faire une raffle dans notre quartier et papa a peur que nous soyons visés. Depuis ce matin c'est la panique et les hommes débattent d'un plan d'action. Comme à l'habitude Madame Van Daan est hystérique et ne tient pas compte du moral des autres en exhalant ses lamentations.

Pour ma part, je me prépare au pire. Serait-ce notre dernière nuit à l'Annexe? Si nous sommes arrêtés, notre famille sera-t-elle séparée. Au dîner, l’ambiance était lourde. Peter n'a cessé de me fixer d'un air fataliste.

Anne

Jeudi 3 août 1944

Chère Kitty,

Je ne peux te garantir que ce ne soit pas la dernière fois que je t'écris car la décision a été prise. Nous partons cette nuit. Je ne peux t'en dire plus. Papa nous a réunis Margot, maman et moi pour nous consulter en famille. Les Van Daan et Dussel, eux, resterons mais nous avons décidé d'appuyer papa dans son choix. Pour des raisons de sécurité et pour protéger les autres si nous sommes arrêtés pendant notre fuite, papa m'a demandé de ne pas emporter mes écrits. Je pense te confier à Miep qui j'en suis sûre te gardera précieusement.

Bien à toi et je l'espère à très bientôt,

Anne M. Frank

Mercredi 21 mars 1945

Chère Kitty,

Bien des choses se sont passées depuis que nous avons quitté Amsterdam. J'espère que Miep prend bien soins de tes pages précédentes.

Nous sommes heureux de célébrer l'arrivée du printemps bien qu'ici le beau temps tarde à se montrer. Margot et moi sommes hébergées chez un contact de mon oncle qui tente de nous faire émigrer aux États-Unis. Nous attendons les visas de transit de l'Ambassade cubaine à Londres que papa avait déjà réservé avant notre départ pour l'Annexe. Je me demande comment sera la vie aux en Amérique. J'aurais souhaité aller à New York mais mon oncle et sa famille vivent près de Boston.

Au moins, là bas, je pourrai oublier cette guerre qui n'en fini plus de finir.

...

Samedi 15 mai 1948

Chère Kitty

Aujourd'hui j'ai entendu à la radio que David Ben-Gurion avait déclaré la fondation de l'État d'Israël. C'est aujourd'hui que les Anglais terminent leur mandat en Palestine et tous le monde ici est inquiet du sort que les pays arabes réservent à la Terre promise finalement embrassée.

La semaine dernière, j'ai reçu une lettre de Margot qui s'est mariée au fils d'un ami de mon oncle à Boston. Elle a enjoint une photo de la cérémonie et bien que son mari, Michael, ne soit pas très beau, je suis sûre que ma soeur a su choisir un homme au caractère qui lui convient. Je pense que dès sa prochaine lettre, elle m'annoncera la venue de ma première nièce ou de mon premier neveu.

Mon espagnol s'améliore de jour en jour. J'ai finalement terminé la lecture de L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche et je m'apprête à lire le livre d'un collaborateur de la revue littéraire à laquelle j'ai commencé un stage comme traductrice.

Bien à toi,

Anne M. Frank

Lundi 2 août 1948

Voilà maintenant quatre ans que nous avons quitté l'Annexe. Je pense tous les jours aux autres...

J'ai terminé le stage à la revue vendredi et j'ai commencé aujourd'hui un travail pour le moins singulier. Je fais la lecture à une homme presque aveugle. Il est écrivain je penses qu'il avait bien apprécié les compliments que j'avais fait de sa dernière nouvelle. Je ne comprends pas que sont choix se soit arrêté sur moi quand il existe sûrement des dizaines de lectrices plus qualifiées que moi en espagnol. Aujourd'hui par contre il m'a demandé de lui faire la lecture du New York Times en plus des journaux Argentins....

Vendredi 6 août 1948

Chère Kitty,

Moi qui pensait reprendre un rythme plus régulier maintenant que le stage à la revue littéraire était terminé, voilà que tout mon temps est accaparé par mon emploi au service de Monsieur. Outre la lecture, qui consiste à éplucher les journaux anglais, américains et argentins; la transcription de ses pensées embrouillées; je dois aussi préparer le maté de Monsieur. Sans rien y voir, bien que je crois qu'il triche car le l'ai vu me reluquer ce matin, il m'instruit l'art de la préparation du maté qui n'est en quelque sorte qu'une herbe cultivée par les indiens d'Argentine et que ces messieurs ingurgitent à longueur de journée. Pour ma part, je trouve cette infusion imbuvable et j'y vois peut-être la source de la déroute des argentins.

Ce weekend, je serais libre, car Monsieur reste chez lui ou j'ai appris que sa maman s'en occupait. J'imagine que tant que je ne préparerai pas le maté comme maman, je n'aurai pas l'estime de Monsieur. XXXX, une amie que je me suis fait à la revue m'a invité à voir un film italien demain. J'ai toujours aimé le son de cette langue, que je sens beaucoup plus près de mon âme que le hollandais, l'allemand, le yiddish ou même l'hébreu. Une chose est sûre, c'est que ça me distraira de l'esprit torturé de Monsieur.

Samedi 7 août 1948

Roma, città aperta. C'est le titre du film que nous avons vu ce soir. Je ne parviens pas à fermer les yeux tant les images de cette guerre me hantent. De la fenêtre de l'Annexe, au son des tirs et de la radio de Londres, la guerre était pour nous une expérience claustrophobe et introspective. Dans ce film, j'avais l'impression de vivre le désarroi d'un peuples occupé. Comme si j'avais été dans la rue, avec eux. L'image de la femme qui court au milieu de la foule immobile ne me quitte pas.

J'ai toujours refusé de voir les images filmées dans les camps à l'arrivée des Russes et des Alliées, comme si je ne voulais pas que la mémoire de ces victimes soit imprégnée dans mon esprit dans ce théâtre absurde, fruit d'un laps d'humanité engendré chez des millions de participants par je ne sais quelle fureur.

Comme si je ne voulais pas vivre la mort. Comme si je voulais fermer les yeux et vivre ailleurs.

Anne

Vendredi 13 août 1948

Chère Kitty,

Voilà ma deuxième semaine complétée. Je suis maintenant passée maître dans l'art de la préparation du maté. Je me sens comme ces femmes japonaises qui à petits pas, les yeux rivés vers le sol, vêtues de leur somptueuses robes de soie, obéissent à un rituel ancestral de servitude envers leurs maîtres. Seulement je ne suis pas japonaises, ni argentine, ni esclave, et Monsieur n'est pas mon maître. Je suis Anne, l'insolente, l’espiègle, l'effrontée.

Je crois d'ailleurs que c'est ce qui plaît et déplaît en même temps à Monsieur. Bien que les femmes argentines soient exubérantes, j'ai sûrement été retenue pour mon attitude, à prime abord, retenue. Monsieur devait apprécier la froideur germanique en opposition à la fouge hispanique. Mais voilà que l'autre Anne, celle qui a tenu tête à Dussel, riposté à Madame Van Daan, désobéit à sa mère, resurgit dans le noir de Monsieur, entre deux journaux, entre deux articles, entre deux mots. Et c'est durant ces silences, quand rien ne bouge, quand seule la perception de l'imperceptible habite la pièce, que je le sent intrigué par cette Anne qu'il n'a jamais vu.

Bien à toi,

Anne M. Frank

Mardi 24 août 1948

Chère Kitty,

C'est aujourd'hui l'anniversaire de Monsieur et j'ai été libérée plus tôt.

Samedi 11 juin 1949

Chère Kitty,

Demain je vais avoir vingt ans et je suis toujours vierge. Ma gêne avec les garçons augmente d'année en année. Vais-je resté vieille fille. Suis-je si insupportable que même les argentins me fuient. Les filles d'ici semblent s'en tirer malgré leur extravagance...